Tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur (art. L 3141-1 du code du travail). Il en va de la préservation de la santé des salariés. Le salarié dispose donc de congés annuels légaux (à savoir 5 semaines). Les conventions collectives peuvent accorder des congés payés supplémentaires. La jurisprudence considère que le salarié qui, du fait de l’employeur, n’a pas pris le nombre de jours de congés payés auquel il avait droit peut obtenir des dommages et intérêts (Cass. soc., 26-10-04, n°02-44776 ; Cass. soc., 12-10-05, n°03- 47922). En présence d’un litige relatif à la prise de jours de congés payés, comment prouver que ceux-ci n’ont pas pu être pris, du fait de l’employeur ?
Par un arrêt récent en date du 12 mai 2015 (Cass. soc., 12-5- 15, n°13-20349), la Cour de cassation a consacré une distinction, quant au régime probatoire, entre les congés annuels légaux et les congés supplémentaires conventionnels.
Concernant les congés payés légaux, la Haute Cour avait énoncé qu’il appartenait à l’employeur de prouver qu’il avait pris toutes les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer son droit au repos (Cass. soc., 13-6-12, n°11-10929). L’employeur doit notamment apporter la preuve du respect de ses obligations d’information du personnel sur la période de prise de congés et de communication de l’ordre des départs. En conséquence, le salarié n’a plus à prouver que l’employeur l’a mis dans l’impossibilité de poser ses congés payés. Malheureusement, ce principe n’a pas été étendu aux congés supplémentaires accordés par la convention collective.
En l’espèce, après son licenciement, un salarié saisit le juge afin d’obtenir le paiement des jours conventionnels non pris sur l’ensemble de la relation de travail (près de cinq ans) soit un total de 90 jours. La cour d’appel déboute le salarié de sa demande dans la mesure où il n’a pas réussi à démontrer qu’il n’avait pu prendre ses congés du fait de son employeur. Le salarié se pourvoit en cassation en se prévalant de la jurisprudence existante en matière de congés payés légaux. Il avançait ainsi « qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ». La demande du salarié est rejetée par la Cour de cassation au motif, notamment, « qu’il [le salarié] n’établissait pas n’avoir pu les prendre du fait de l’employeur ». Ainsi, en matière de congés payés conventionnels, il appartient au salarié d’apporter la preuve que l’employeur l’a placé dans l’impossibilité de prendre ses congés.
Mais comment matérialiser l’impossibilité de prendre les congés payés conventionnels ? Cette impossibilité peut résulter d’un refus ou d’une demande de report expressément formulé par l’employeur. Toutefois, dans la pratique, c’est davantage l’organisation du travail et, notamment, la surcharge de travail qui placent le salarié, consciencieux de remplir ses fonctions correctement, dans l’impossibilité de bénéficier de ses congés payés. Exiger du salarié qu’il apporte la preuve formelle que l’employeur s’est opposé à l’exercice de son droit c’est méconnaître les réalités du terrain ! Comment expliquer la distinction relative au régime probatoire entre les congés annuels légaux et les congés supplémentaires conventionnels ? Cette différence de régime peut s’expliquer par l’influence de la directive « temps de travail » n°2003/88/CE du 4 novembre 2003 qui garantit uniquement un droit à un congé minimal de quatre semaines (art. 7). C’est d’ailleurs en se fondant sur cette directive que la Cour de cassation avait rendu sa décision en 2012 en matière de congés annuels légaux.